D’après Greenpeace, la population des abeilles mellifères d’Europe a chuté de 25 % en seulement 20 ans. Ce déclin se traduit par l’augmentation de la mortalité hivernale, qui peut atteindre et dépasser dans certaines régions de France, les 30 %. L’effondrement des colonies est brutal et concerne aussi bien les apiculteurs amateurs que les apiculteurs professionnels. La situation est préoccupante, car les enjeux environnementaux et économiques sont importants. L’être humain serait directement impacté par la disparition des abeilles. Car nous dépendons beaucoup des abeilles pour notre alimentation.
Ainsi des recherches sont menées pour redonner la santé aux colonies et repeupler les ruches. Et l’une des voies les plus prometteuses est de placer les objets connectés au service des abeilles et de l’apiculteur. L’apiculture de précision tiendra t-elle toutes ses promesses ?
Pourquoi les abeilles disparaissent-elles ?
Les abeilles, nommées Apis mellifera par les scientifiques, sont des insectes sociaux. Comme les fourmis et beaucoup d’autres Hyménoptères auxquels elles appartiennent, les abeilles forment des colonies de plusieurs milliers d’individus. Chaque colonie compte une unique reine fertile, quelques centaines de mâles que l’on nomme des faux-bourdons et jusqu’à 60 000 ouvrières. Tous ces insectes coexistent et collaborent au fonctionnement de leur micro société. Mais la moindre perturbation environnementale peut avoir des conséquences fortes sur cette communauté. Et lorsque les agressions sont trop fortes, la colonie peut périr.
Les principales agressions que rencontrent les abeilles en France et dans d’autres régions du monde sont :
- L’utilisation des pesticides et insecticides de synthèse par les agriculteurs
- La modification de la flore liée aux aménagements du territoire et au réchauffement climatique
- L’introduction de parasites et de prédateurs étrangers
L’apiculteur ne peut pas seul s’opposer aux pollutions de l’environnement et au changement climatique. Il ne peut qu’agir à son échelle en aidant ses abeilles à résister. Il peut déplacer ses ruches, nourrir ses colonies,… Mais il doit pour cela savoir à quel moment, ses abeilles se trouvent en souffrance, afin d’être capable d’intervenir efficacement.
Pourquoi les abeilles sont-elles importantes ?
Les abeilles sont des insectes attachants et populaires qui rallient facilement le soutien de l’opinion publique. Et c’est sans doute pour cela qu’elles sont encore présentes de nos jours, dans nos jardins et dans le milieu naturel. Mais les abeilles ne sont pas seulement belles à observer ou à étudier. Elles sont une pièce maîtresse du rouage de nos écosystèmes terrestres. Et si elles s’éteignent les répercussions seront très importantes.
Albert Einstein aurait déclaré : “Si les abeilles disparaissent, l’Homme n’aura plus que quatre ans à vivre”. Cette déclaration n’est pas du célèbre physicien, mais d’un apiculteur français resté anonyme. Toutefois elle n’en demeure pas moins remplie de vérité.
Pollinisation des plantes sauvages
Afin de couvrir les besoins de leur colonie, les abeilles récoltent du nectar et du pollen. Elles visitent les fleurs pour trouver leurs aliments. Le nectar est consommé directement ou est transformé en miel. Il est riche en sucre et apporte l’énergie nécessaire pour que les insectes soient actifs. Le pollen est la principale source de protéines. Il est indispensable pour que les larves grandissent, puis se métamorphosent en abeilles adultes. Le pollen permet la production par les abeilles nourrices de la gelée royale.
En effectuant durant sa vie environ 800 km, une butineuse va visiter des milliers de fleurs. Ce qui lui permet de polliniser les espèces florales visitées. Les abeilles mellifères sont des pollinisateurs généralistes. Elles savent s’adapter à la végétation. C’est pour cela que Apis mellifera a réussi à coloniser les milieux les plus divers. Depuis les oasis du Sahara aux forêts de Scandinavie, en passant par les maquis méditerranéens.
Les abeilles mellifères permettent à de nombreuses plantes à fleurs de se reproduire et de produire leurs graines. Sans leur présence, les paysages seront modifiés, car beaucoup d’arbres et d’arbustes disparaîtront.
Pollinisation des cultures
Beaucoup de cultures dépendent des pollinisateurs pour maintenir de hauts rendements. Sans l’action des abeilles et d’autres insectes, les productions à l’hectare ne sont pas assez importantes pour permettre de rentabiliser les activités des exploitations. Et nous savons tous que les agriculteurs ont déjà beaucoup de difficultés à dégager des bénéfices.
L’arboriculture est particulièrement dépendante de la présence des abeilles dans les vergers. Et les arboriculteurs sollicitent souvent les apiculteurs pour que ces derniers placent quelques ruches dans leurs champs. Les pommiers et les amandiers sont les plus exigeants. En Californie, la floraison des amandiers provoque la transhumance de milliers de ruches, depuis les quatre coins des États-Unis.
Toujours d’après Greenpeace, sans les abeilles et les autres pollinisateurs, l’agriculture perdrait plus de 265 milliards de dollars. Dans un monde où la population humaine est en constante augmentation et qui devrait compter avant la fin de ce siècle 11 milliards d’individus, il n’est pas pensable de perdre une partie des productions alimentaires.
Production du miel
Les français consomment chaque année pas moins de 40 000 tonnes de miel, dont la moitié est importée d’autres pays européens, d’Amérique latine et d’Asie. La vente du miel permet à de nombreuses petites exploitations agricoles de se maintenir. Même si le prix du miel étranger concurrence celui produit en France, les consommateurs sont sensibles aux AOP et autres labels régionaux.
Il n’en demeure que pour pouvoir survivre, les apiculteurs professionnels doivent pouvoir extraire de leurs ruches suffisamment de miel pour répondre à la demande des consommateurs. Et des colonies en mauvaise santé ne produisent pas beaucoup de miel.
Les ruches connectées sont-elles l’avenir de l’apiculture ?
Afin de suivre le développement des colonies d’abeilles, les rentrées de nectar et les autres changements d’état de la colonie, comme l’essaimage et la croissance du couvain (oeufs, larves et nymphes des abeilles), des scientifiques ont développé des outils, capteurs et logiciels qui permettent d’analyser la vie des abeilles. Les données collectées sont traitées par ordinateur. Et les résultats peuvent ensuite être interprétés par le chercheur.
L’apiculture de précision, née dans les laboratoires universitaires permet de détecter à temps les problèmes que rencontrent une colonie d’abeille. Et l’apiculteur initié à cette technologie peut alors intervenir en apportant une solution adaptée. Fort d’un important potentiel, l’apiculture de précision n’est plus réservée aux geeks et passionnés de bio-informatique. Elle est maintenant à portée de ceux qui sont prêts à accueillir la technologie dans leur rucher.
Fonctionnement d’une ruche connectée
Une ruche connectée est simplement une ruche à laquelle on a ajouté des capteurs reliés à internet. Les capteurs sont maintenant fabriqués en série et s’adaptent aux principaux modèles de ruches : Dadant et Langstroth. Mais certains peuvent aussi être introduits dans les ruches horizontales dites kényanes, et les ruches troncs. Les principaux capteurs utilisés par les apiculteurs sont :
- Thermomètre et hygromètre
- Balance
- Microphone
- Balise GPS
Il existe plusieurs entreprises qui proposent ces capteurs et des logiciels dont la prise en main est rapide. Mais les aficionados d’électronique et d’IoT peuvent se tourner vers du fait maison en utilisant des technologies comme Arduino.
Les problèmes résolus par l’IoT
Les ruches connectées vont renseigner l’apiculteur sur l’état de la colonie. Ces informations peuvent être reçues à distance et en direct. On peut donc surveiller ses ruches, même si elles se trouvent à plusieurs dizaines ou centaines de kilomètres de chez soi. Les apiculteurs qui pratiquent la transhumance de leurs ruches seront sensibles à cet argument. Car il est en effet difficile de déterminer les justes dates pour déplacer les ruches vers de nouveaux emplacements ou pour effectuer la récolte de miel. Bien souvent, il faut faire des visites régulières des ruches, ce qui entraîne une perte de temps, des dépenses en carburant, sans oublier que des ouvertures trop fréquentes des ruches dérangent les abeilles.
L’état de la colonie peut être évalué en suivant les variations de sa température interne. À la fin de l’hiver, lorsque la reine reprend sa ponte, les ouvrières vont s’occuper des jeunes larves. En plus de les nourrir, elles vont produire de la chaleur pour que le couvain soit maintenu aux alentours de 35 °C. L’hygrométrie est aussi contrôlée par les nourrices pour que les larves ne se dessèchent pas et que des moisissures ne les contaminent pas non plus. Le degré d’humidité d’une colonie en bonne santé reste compris entre 50 et 75 %, quelles que soient les conditions météorologiques à l’extérieur.
En suivant les variations de poids de ses ruches, l’apiculteur peut savoir si les butineuses rentrent avec du nectar. Il peut aussi savoir si la ruche est remplie de miel. Inversement en hiver, il peut suivre la consommation de miel de ses colonies. Et il peut ainsi intervenir à temps si les réserves viennent à manquer. Une perte de poids brutale au printemps, peut aussi signaler qu’une partie de la colonie a quitté la ruche. C’est l’essaimage ! L’apiculteur doit alors agir au plus vite pour récupérer l’essaim. Un microphone peut aussi analyser les sons produits par les abeilles et prévoir quelques heures ou jours à l’avance le départ de l’essaim. Car la fièvre d’essaimage se manifeste par des signes discrets.
L’apiculture de précision vient aussi à l’aide des apiculteurs qui ont subi des vols. Les émetteurs GPS placés à l’intérieur des ruches permettent de savoir où se trouvent les colonies volées. Ce type de capteur est de plus en plus adopté par les apiculteurs professionnels, car le vol est un problème majeur.
L’apiculture de précision ne cesse d’évoluer. Il est maintenant question d’orienter les recherches vers le développement d’outils pour détecter et lutter contre les prédateurs et les parasites. Depuis quelques années, des organismes étrangers involontairement introduits en Europe sèment le chaos dans les ruchers. Il s’agit du varroa qui est un petit acarien parasite des abeilles. Mais aussi du redoutable frelon asiatique qui en plus de dépeupler les ruches est aussi un problème pour l’être humain. Chaque année, des personnes sont tuées suite à ses piqûres.
Comment se former à l’apiculture de précision ?
L’apiculture de précision est une forme d’apiculture conventionnelle. Mais qui est augmentée par la technologie. Les outils et les logiciels sont simples à prendre en main. Mais il faudra plus de temps pour interpréter correctement les résultats. Par exemple, une perte de poids d’une colonie peut avoir plusieurs causes en fonction de la période de l’année. Et les infestations des varroas laissent aussi des indices sur les courbes de variation de l’humidité.
Pour devenir un bon apiculteur de précision, il est d’abord important de bien se former à l’apiculture traditionnelle. Pour cela, nous vous recommandons de rejoindre un cours ou un stage au sein d’un rucher école. Ou bien de suivre une formation à distance pour consolider vos connaissances théoriques. Une formation en ligne en apiculture est proposée par IDLWT. Et l’apiculture de précision est souvent abordée durant les modules d’apprentissage. Pour en savoir davantage sur cette formation elearning, consultez le site https://apiculture.idlwt.com
Si vous ne pouvez pas vous former dans un rucher école ou auprès d’un ami apiculteur, il est possible de vous familiariser avec le fonctionnement des ruches en lisant des ouvrages consacrés. D’excellentes revues proposent aussi des articles de vulgarisation, comme l’Abeille de France. Mais il reste toujours préférable pour des questions évidentes de sécurité (les abeilles peuvent piquer, vous et vos voisins) de débuter l’apiculture par un bon encadrement théorique et pratique.
Le blog de Mellisphera – start-up du sud-ouest de la France spécialiste de l’apiculture de précision – propose également d’intéressantes lectures sur l’apiculture 2.0 et sur ses applications. Pour en savoir davantage, consulter https://www.mellisphera.com/blog
Pour résumer
Comme de nombreux insectes, les abeilles disparaissent de nos jardins et de nos campagnes. Cette perte de biodiversité est alarmante. La survie de l’espèce humaine, si elle ne dépend pas seulement de l’abeille mellifère, est étroitement liée à l’état des écosystèmes. La disparition des abeilles aura un impact inimaginable sur la végétation naturelle et sur les cultures. Les pertes agricoles seraient considérables. Qu’en sera-t-il socialement pour une humanité qui devra partager très peu de ressources ?
L’apiculture de précision vient donc aider les apiculteurs à gérer leur exploitation et à garder leurs colonies d’abeilles en bonne santé. Car la pollinisation et production de miel ne sont possibles que si les ruches sont suffisamment peuplées. Les technologies sont faciles à adopter et à maîtriser. Et une communauté d’apiculteurs s’est déjà formée autour des applications IoT. Elle vous attend pour partager ses savoirs avec vous.
L’apiculture de précision est une discipline relativement jeune, mais qui donne déjà de bons résultats aussi bien chez les apiculteurs professionnels que chez ceux qui élèvent des abeilles pour le plaisir. Espérons que cet article vous encouragera à lui accorder davantage de votre attention.